Jeudi 30 janvier 2020, Rod Laver Arena, Roger Federer entre en piste pour une demi-finale d’exception contre son grand rival, Djokovic. Le monde a ses yeux rivés sur le match. Et moi ? Je suis au bureau.
Alors qu’on se rassure, c’est pas parce que je suis au bureau que je ne regarde pas le match. D’ailleurs, je les ai tous regardés, les matchs de Federer, même pendant les heures de travail. J’ai longtemps hésité à culpabiliser pour ça. « Tu vas quand même pas être payé pour regarder des matchs ? ». Mais c’est pas parce que je regarde un match que je peux pas bosser en même temps. Alors je remplis mon fichier Excel avec la RTS en toile de fond. Même si, au bout d’un moment, inévitablement, je regarde le match avec un fichier Excel en toile de fond.
Mais c’est pas une mauvaise chose de regarder ça, personne devrait culpabiliser. Ça donne avant tout un sujet pour la machine à café. C’est pas une perte de temps : c’est du team building ! Et le tout, sans frais supplémentaires pour l’entreprise. S’il y a bien quelque chose à faire, c’est nous remercier.
Pour un employé d’une entreprise suisse, regarder un match de Roger Federer, c’est avant tout profiter du patrimoine helvétique. C’est le valoriser. Regarder un match avec un joueur suisse, donc, c’est valoriser ce qui fait la richesse de notre pays et, donc, par extension, de notre entreprise. Moi, comme j’aime vraiment beaucoup mon emploi et donc, par extension, mon pays, je regarde aussi les matchs des autres joueurs. Pas par intérêt, bien sûr, mais parce que ce sont tous des potentiels adversaires de Federer. Regarder les autres joueurs, donc, c’est un peu regarder
Federer sans Federer : ça compte quand même. C’est pas pour moi, c’est pour mon entreprise.
Michel, lui, il abuse un peu. Il regarde tous les matchs. De tous les sports. Un jour, Bernard, son patron, en a eu marre. Il a fini par lui faire une remarque. Michel s’est pas laissé démonter, il lui a sorti sans réfléchir un vieux « ouais mais le sport c’est bon pour la santé ». Après il a regardé nos têtes, et il a compris que c’était peut-être pas la meilleure excuse possible.
Aujourd’hui, j’ai regardé un match. Il n’y avait pas Federer. Il y avait pas de collègues pour faire du team building. D’ailleurs, c’était même pas un match de tennis, c’était du golf. Mais c’est important aussi, ce sport. Parce que si un jour Federer se met au golf... Autant être prêt. C’est pas pour moi, bien sûr, c’est pour mon entreprise.